Conférence de presse de rentrée scolaire 2025

Pour la rentrée scolaire 2025, la CFDT Éducation Formation Recherche Publiques a organisé sa conférence de presse le lundi 15 septembre.

rentréeElle a axé son intervention sur un premier bilan de la rentrée à hauteur des femmes et des hommes qui font l’École, et présenté les principaux points de son agenda revendicatif : les restrictions budgétaires dans le service public d’éducation, la réforme de la formation initiale des enseignant·e·s et des conseiller·e·s principaux·ales d’éducation (CPE), la transition écologique.

Étaient présentes à la tribune : Catherine Nave-Bekhti, secrétaire générale de la CFDT Éducation Formation Recherche Publiques, Lætitia Aresu et Caroline Brisedoux, secrétaires nationales (cf. dossier de presse, p. 23-24).

En ressources complémentaires à la fin de l’article, vous trouverez :
> la vidéo de la conférence de presse ;
> le dossier de presse « Restrictions budgétaires, éducation en péril » (téléchargeable aussi ci-contre)
> une revue de presse des articles et passages radio et TV sur la conférence de presse et la mobilisation du 18 septembre.

 

Ouverture de la conférence de presse par Catherine Nave-Bekhti, secrétaire générale

Funestes actualités de rentrée

La rentrée scolaire a été tragique : notre collègue Caroline Granjean a été poussée au suicide par la haine lesbophobe dont elle a été victime en tant qu’enseignante et directrice d’école. Nous pensons à elle, à son épouse, à ses proches. Nous avons expressément demandé au ministère de garantir la reconnaissance de l’imputation au service, et que les résultats des enquêtes diligentées puissent contribuer à établir les responsabilités, à établir des mesures de prévention et de protection plus efficaces.

L’ attaque au couteau dont a été victime notre collègue et un élève au lycée horticole d’Antibes, mercredi 10 septembre, est un acte terrible et l’issue aurait pu être beaucoup plus grave sans le sang froid du proviseur. Nous témoignons toute notre solidarité à l’ensemble de la communauté éducative de l’établissement.

Un contexte politique et budgétaire quasi inchangé depuis la précédente rentrée

rentréeLa rentrée scolaire se déroule dans un contexte politique et budgétaire singulier. Après la chute du gouvernement de François Bayrou, et la nomination d’un nouveau Premier ministre en la personne de Sébastien Lecornu, la préparation du budget de la nation pour 2026 s’enlise. Pour toute la CFDT, et donc aussi dans le champ de l’éducation, changer de Premier ministre ne change pas la situation, et n’entame pas notre résolution à réussir la mobilisation du 18 septembre.

Le risque d’un budget qui fasse peser les efforts de manière injuste sur les travailleurs et travailleuses, sur les services publics reste grand. Il faut donc continuer à construire le rapport de force pour obtenir un autre budget qui vise la justice sociale, la justice fiscale et qui prévoie des moyens budgétaires à la hauteur des missions des services et des politiques publiques et à la hauteur des défis de transformation écologique et numérique.

La rentrée scolaire vécue par nos collègues

Changer de Premier ministre ne change pas les réalités professionnelles de celles et ceux qui font l’École au quotidien, l’état du service public d’éducation est très préoccupant en cette rentrée.

La CFDT Éducation Formation Recherche Publiques a fait le choix pour cette rentrée de privilégier les témoignages des personnels dans l’ensemble de nos champs de syndicalisation, sur le plus grand nombre de territoires possibles.

Les équipes militantes dans toutes les académies vont à la rencontre des personnels, quel que soit leur métier, les réunissent pour parler de leurs réalités professionnelles, répondent aux collègues qui les appellent, les reçoivent les collègues dans les permanences syndicales. Nous avons donc des descriptions à hauteur de femmes et d’hommes qui travaillent au service de l’Éducation nationale de ce que les restrictions budgétaires font au travail et font du travail des agents et des agentes. Le constat est extrêmement préoccupant, pour les conditions de travail des collègues et pour les conditions d’études des élèves aussi. Je vous propose un premier tour d’horizon que nous pourrons compléter, préciser ensuite dans l’échange.

Les coupes budgétaires à l’œuvre en 2025, et celles que les acteur·trice·s anticipent pour 2026 produisent des effets bien concrets, souvent en contradiction avec des priorités politiques affichées par les ministres, qui dégradent les conditions de travail et réduisent l’offre éducative.

Premiers retours de terrain

SERVICE CIVIQUE. Partout, le nombre de missions de service civique dans des écoles ou établissements scolaires a diminué dans des proportions importantes : trois fois moins dans le Calvados, quatre fois moins dans la Manche, dix fois moins dans l’Allier… et ce sont des écoles dans lesquelles les directeurs et directrices n’ont plus aucun appui à la direction d’école ; ce sont des projets dans des écoles, collèges et lycées qui ne pourront être conduits. C’est aussi un renoncement en matière de politiques de jeunesse et de l’engagement.

Nous constatons des difficultés de pilotage liées aux restrictions et incertitudes budgétaires et aux annonces tardives à mettre en œuvre.

AFFECTATIONS DES PERSONNELS. À cette rentrée, dans le 1er degré, le choix sous contrainte budgétaire d’affecter sur des postes à l’année tous les titulaires a pour conséquence de n’avoir plus de professeur·e·s des écoles disponibles pour les remplacements à venir. Mais c’est aussi le non-renouvellement ou la non-affectation des contractuel·le·s en CDD, parfois à la dernière minute, voire après deux journées d’enseignement, et réaffectation tout autant en urgence de titulaires et de stagiaires. Dans un département, des professeur·e·s des écoles stagiaires ont été rappelés le vendredi de la pré-rentrée pour apprendre que leur affectation changeait… pour une entrée dans le métier de qualité, on repassera !

PERSONNELS DITS « ITINÉRANTS ». La faiblesse des enveloppes pour les frais de déplacement amène à annuler des réunions de rentrée ou à les reporter en visio exclusivement. Les personnels dont le métier suppose de se déplacer (les corps d’inspection, les conseiller·e·s pédagogiques, les personnels sociaux et de santé, les psychologues de l’Éducation nationale et les personnels des réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté-Rased) sont appelés à réduire leurs déplacement au risque de ne pouvoir exercer leurs missions, et en contradiction avec des priorités de politique publique – nous pensons en particulier à l’accompagnement des équipes enseignantes, au soi-disant grand plan pour la santé mentale et aux conclusions des Assises de la santé scolaire.

POLITIQUES DE SANTÉ SCOLAIRE, DE SANTÉ MENTALE ET D’INCLUSION. La politique, annoncée après le schéma d’emplois, en matière de santé scolaire, de santé mentale ou d’inclusion prévoit de créer des postes de conseiller·e·s techniques, de référent·e·s santé mentale, de coordonnateur·trice·s de pôle d’accompagnement à la scolarité, mais aucun budget, aucun équivalent temps plein (ETP) dédié n’a été délégué et pour y parvenir dans l’académie de Rennes, le choix a été fait en fin d’été de fermer des classes au-delà de la carte scolaire examinée dans les conseils départementaux de l’Éducation nationale (CDEN) pour pouvoir financer ces différents types de postes.

Dans certaines circonscriptions du premier degré, pour pouvoir appliquer les injonctions venues tardivement du ministère à sensibiliser, avant le 15 septembre, les professeur·e·s des écoles sur le plan « filles et mathématiques », sur l’éducation à la vie affective et relationnelle (Evar)/et à la sexualité (Evars) des IEN n’ont trouvé d’autres « solutions » que de convoquer la veille pour le lendemain, voire le jour même pour le soir les professeur·e·s des écoles à des réunions en soirée, après une journée de travail, sans aucun respect élémentaire d’un délai de prévenance, des principes ministériels en matière de conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle, sans même s’assurer de ménager pour les agent·e·s un temps de récupération entre la fin d’une journée travaillée et la prise de service le lendemain !

LE COÛT HUMAIN DES CHOIX D’ÉCONOMIES. Les recherches d’économies budgétaires ont des conséquences sur l’emploi et les conditions de travail avec des effets de spirale négative.

Pour les personnels contractuels. Dans plusieurs académies, des enseignant·e·s contractuel·le·s n’ont pas été reconduits début juillet avec, à la clé, une précarité importante : ils et elles n’ont pas toujours pu avoir à temps les documents permettant de déclencher le versement des indemnités de chômage, celles et ceux qui sont étrangers peuvent rencontrer des difficultés pour le renouvellement de leur titre de séjour. Ce sont autant de collègues qui ne seront sans doute plus disponibles lorsque de nouveau les services académiques auront besoin d’elles et eux pour assurer des remplacements longs.

Stagiaires, AESH, gestionnaires… Dans l’été, plus que d’autres années, des enseignant·e·s stagiaires ont démissionné, des accompagnant·e·s des élèves en situation de handicap (AESH) ont démissionné. Pour pourvoir les postes désormais non couverts, des académies ont donc dû prononcer des affectations en toute dernière minute, une charge lourde et complexe pour les gestionnaires qui subissent déjà depuis longtemps la sous-administration de l’Éducation nationale. La tentation est alors grande de répartir la charge sur celles et ceux qui sont en poste, même si ce n’est pas soutenable. Des AESH découvrent que leur service est émietté sur un grand nombre d’élèves (ce qui permet de dire que les élèves ayant des notifications sont accompagnés) et sur plusieurs écoles et établissements. Cela génère un épuisement immédiat, une perte de sens conduisant des collègues à l’arrêt maladie, voire à leur tour à la démission. Dans le 2nd degré, il faut proposer à des enseignant·e·s d’augmenter encore leur nombre d’heures supplémentaires ou laisser des élèves sans professeur·e…

Congés sur autorisation. Il manque plutôt moins de profs que l’an dernier mais c’est au prix du refus de toutes les demandes de temps partiel, de disponibilité et autres types de congé sur autorisation. Par ailleurs, la plupart de nos syndicats académiques disent qu’il n’y a plus de personnels non affectés disponibles pour les remplacements à venir… dès la deuxième semaine après la rentrée et alors qu’il y a toujours des postes non pourvus, particulièrement dans la voie professionnelle.

Dans plusieurs départements les autorités académiques affirment ouvertement que les professeur·e·s des écoles qui auraient des rendez-vous médicaux un jour de classe ne sont pas assurés d’avoir une autorisation d’absence (même pour un rendez-vous chez un spécialiste, à l’hôpital ou dans un désert médical) et que, si c’est le cas, il y aura retrait d’une journée de salaire et d’une journée d’ancienneté générale de service. Dans l’académie de Toulouse, il a même été dit en séminaire de directeur·trice·s ou lors d’audiences et d’instances qu’il est préférable que les professeur·e·s des écoles tombent malades et se fassent opérer pendant les vacances scolaires… Pour la CFDT, ces dérives autoritaristes sont parfaitement inacceptables, et nous l’avons fait savoir au ministère de l’Éducation nationale.

LE COÛT PÉDAGOGIQUE DES MESURES D’ÉCONOMIE. Les restrictions budgétaires sont désormais telles que les écoles et établissements scolaires n’ont plus de marge pour exercer une autonomie pédagogique réelle, et n’ont même plus toujours les moyens de mettre en œuvre ce qui est réglementaire.

Pour la première fois, un chef d’établissement de l’académie de Rennes témoigne qu’il lui manque 10 heures pour faire des services réglementaires pour les professeur·e·s d’EPS en charge de la section Union nationale du sport scolaire (UNSS), pour accorder toutes les pondérations liées par exemple au fait d’enseigner en classe terminale. Et le rectorat de reconnaître la situation tout en assurant ne pouvoir lui allouer ces 10 heures pourtant indispensables.

Dans de nombreuses académies, les témoignages affluent sur le fait que les dotations horaires des établissements, leur dotation en pacte ou en indemnité pour mission particulière (IMP) ne permettent plus de financer du tutorat, des clubs, des projets pédagogiques, parfois même le dispositif « devoirs faits », et qu’il ne sera pas possible de mettre en place, conformément aux programmes, l’éducation à la vie affective et relationnelle, et à la sexualité (Evars). Si on ajoute la diminution des financements des collectivités territoriales sur l’éducation culturelle, on assiste à un assèchement de l’offre éducative qui va se limiter aux heures d’enseignement, sans plus de possibilité d’accompagner les élèves rencontrant des difficultés d’apprentissage, d’offrir une ouverture culturelle à toutes et tous… La reproduction des inégalités sociales à l’école à de beaux jours devant elle.

il y a d’autres restrictions des collectivités qui impactent l’égalité d’accès : transport scolaire, manuels en Île-de-France, transports des élèves notifiés pour suivi extérieur.

LES IMPACTS SUR L’ATTRACTIVITÉ. Le résultat, ce sont aussi des personnels enseignants et de direction qui se démotivent. En Alsace, la perspective de devenir personnel de direction n’attire plus : l’an dernier la formation académique pour devenir personnel de direction avait attiré 120 collègues, cette année il n’y a que 8 inscrit·e·s !

LA RENTRÉE SCOLAIRE À MAYOTTE. Dans notre dossier de presse, vous trouverez un focus sur la rentrée à Mayotte où nos collègues témoignent que les réparations ne sont pas toutes effectuées ou durables, qu’il demeure des problématiques majeures de conditions de vie pour la population et donc les personnels en matière de logement. Nous saluons la volonté de la ministre et de la rectrice de faire respecter le droit à l’éducation pour tous les enfants vivant à Mayotte, reste à voir quels moyens se donnera l’État pour faire respecter ce droit face à la xénophobie de certains collectifs locaux.

FORMATION INITIALE DES ENSEIGNANT·E·S ET DES CPE. Cette rentrée est aussi marquée par l’entrée en vigueur progressive de la réforme de la formation initiale des enseignant·e·s et des CPE, et par la poursuite des travaux pour en préciser tous les contours… Les groupes de travail se suivent. Les questions sans réponses et les doutes s’accumulent. Nos sections universitaires montrent que les modules de préparation au concours en L3 ne sont pas financés en 2025, mais le ministère nous affirme que les demandes seront couvertes dans le budget 2026 (alors que 10 millions d’euros étaient prévus). En attendant les modules ont commencé, parfois avec moins d’heures ou plus d’étudiants… loin de l’accompagnement vanté par les ministres. Le financement des salaires des enseignant·e·s du scolaire qui devraient intervenir massivement dès la rentrée 2026 dans la nouvelle licence « professorat des écoles » et le nouveau master « Métiers de l’enseignement et de l’éducation », en plus de celles et ceux qui le font déjà, n’est pas clarifié. On voit par ailleurs assez mal comment les rectorats laisseront partir, même partiellement, des enseignant·e·s vers les universités compte-tenu de tout ce que nous avons décrit plus tôt sur la gestion des enseignant.e.s. Le partage des postes offerts à la session 2026 entre concours licence et concours master n’est pas connu alors que les inscriptions commencent la semaine prochaine, plus tôt que ce qui avait été annoncé. Les potentiels candidat·e·s devront s’inscrire sans connaître ni le nombre de postes offerts ni l’implantation des masters. On peut craindre une nouvelle diminution du nombre d’inscrit·e·s. loin des objectifs d’attractivité de la réforme.

GRÈVE DU 18 SEPTEMBRE. Pour la CFDT Éducation Formation Recherche Publiques, la mobilisation du 18 septembre prochain pour défendre le monde du travail face à des pistes budgétaires brutales et injustes sera aussi l’occasion d’appeler à une prise de conscience sur ce que les coupes budgétaires font au service public d’éducation et à ses agent·e·s.

INVESTIR DANS L’ÉDUCATION, C’EST INVESTIR DANS L’AVENIR.Depuis plusieurs mois, nous alertons les ministres successifs sur la nécessité de ne pas pratiquer la politique du rabot au prétexte de la baisse démographique. Des voix scientifiques (Julien Grenet – cité p. 16-17 dans notre dossier de presse – et Pauline Charousset, Nina Guyon et Youssef Souidi, co-auteur·trice·s de la note de l’Institut des politiques publiques « Taille des classes et inégalités territoriales : quelle stratégie face à la baisse démographique ? » ; Élise Huylerie…) se joignent à nous et soulignent ce que la Nation doit à ses jeunesses et l’intérêt social, démocratique et même économique à le faire.

Raboter aujourd’hui, c’est faire le choix d’une École au rabais et c’est raboter l’avenir.

Compte-tenu des récits de travail qui nous parviennent en cette rentrée, raboter encore, c’est dégrader les conditions de travail et d’étude, c’est favoriser les risques psychosociaux, l’épuisement professionnel, c’est rendre les métiers de l’éducation encore moins attractifs alors même que le contexte démographique, c’est aussi la nécessité de recruter dans les années qui viennent puisqu’il va y avoir de nombreux départs en retraite. Raboter aujourd’hui, c’est faire le choix d’une École au rabais et c’est raboter l’avenir.

Pour aller plus loin