Projet de loi « modernisation et régulation de l’enseignement supérieur » : état des lieux

Le projet de loi sur l'enseignement supérieur a été épuré de plusieurs dispositions problématiques auxquelles la CFDT s'était opposée. La CFDT Éducation Formation Recherche Publiques suit ce dossier avec vigilance, en lien avec les autres fédérations CFDT concernées.

Début juillet, nous avions eu la surprise de découvrir par la presse un ambitieux projet de loi « modernisation et régulation de l’enseignement supérieur ». Ce projet de loi n’avait fait l’objet d’aucune concertation préalable avec les organisations syndicales. Nous avions appris son existence par la presse.

Modernisation et régulation de l’enseignement supérieur ?

Le projet de loi finalement déposé au parlement le 30 juillet est très différent de la version qui avait été présentée aux instances (CSE et CNESER). Son titre même a été modifié : il s’agit maintenant de la « loi de régulation de l’enseignement supérieur privé ». De fait, l’essentiel du projet de loi (titre I) renforce les contrôles de l’état sur l’enseignement supérieur privé.

Pour la CFDT Éducation Formation Recherche Publiques comme pour la CFDT Formation et Enseignement Privés, améliorer ce contrôle est indispensable et les renforcements proposés vont dans le bon sens, même s’ils ne vont pas assez loin.

Nos deux fédérations travaillent ensemble sur ce dossier pour porter cette nécessité : il s’agit de protéger non seulement les étudiants et leur familles, mais aussi les salariés du secteur, des dérives de certains établissements d’enseignement supérieur privé.

Toutefois, le titre II contient des dispositions sur l’enseignement supérieur public, mais en nombre plus limité que dans le projet initial :

  • prolongation de l’ordonnance sur les Établissements Publics Expérimentaux de trois ans (au lieu de cinq dans le texte initial), jusqu’en 2031 ;
  • possibilité d’accréditation globale des établissements par grands secteurs d’activité ;
  • délégation de signature aux recteurs de région académiques pour la nomination des directeurs d’écoles ou d’instituts ;
  • réorganisation de la gouvernance de l’École polytechnique.

Les amendements CFDT finalement incorporés dans le projet de loi

Lors des débats au CNESER du 8 juillet 2025, la CFDT a présenté des amendements de suppression des dispositions les plus problématiques du projet de loi de l’époque. Elles concernaient les regroupements d’établissements (établissements publics expérimentaux, grands établissements, communautés d’universités).
>Ces amendements ont été votés à une très large majorité par le CNESER, mais n’avaient pas été retenus par l’administration, sauf celui qui supprimait les échanges de services entre établissements composantes d’un grand établissement.

Ces dispositions ont finalement été retirées du projet de loi : la CFDT se félicite d’avoir réussi à convaincre, même si c’est à retardement.

L’avis du Conseil d’État, qui a été rendu public, confirme l’analyse qu’avait faite la CFDT dès 2018 : les établissements-composantes, ou « composantes à personnalité morale et juridique », n’ont pas de statut légal au sein des grands établissements. L’ordonnance de 2018 ne les autorise que dans le cadre de l’expérimentation ; il faudra des dispositions législatives supplémentaires pour leur statut à la fin de l’expérimentation. Ces dispositions ne sont pas dans le projet de loi, mais elles pourraient être introduites par des amendements parlementaires.

Consultation sur la gouvernance des regroupements d’établissements

Dans ce contexte, le ministre vient de confier à Jean-Pierre Korolitski, inspecteur général honoraire, une mission de consultation sur la gouvernance des grands établissements.

La CFDT Éducation Formation Recherche Publiques y participera pour porter nos principes et nos valeurs :

  • importance de la démocratie universitaire : les regroupements ne doivent pas être l’occasion de diminuer le poids des représentants élus dans les conseils centraux ;
  • importance d’avoir l’adhésion de la communauté universitaire : trop de regroupements ont été décidés entre présidents, sans convaincre les personnels et les étudiants de l’intérêt du regroupement ;
  • les établissements-composantes, ou composantes à personnalité morale (CAPM) sont un moyen pour les écoles d’être dans le regroupement sans y être. En effet, elles gardent leur indépendance et leur manière de fonctionner. Cette solution bancale ne permet pas une véritable stratégie commune au sein du nouvel établissement. On le voit bien sur le terrain ;
  • le problème est surmultiplié lorsque ces établissements composantes sont des écoles privées, comme on le voit dans plusieurs regroupements : la stratégie, les façons de fonctionner des écoles privées ne sont pas les mêmes que celles des universités publiques. Dans ces regroupements, le risque est grand que l’université publique finisse par prendre les manières du privé, à rebours du service public d’enseignement supérieur ;
  • le mode de fonctionnement choisi aboutit à une dilution de la voix des personnels de l’université centrale, qui, au final, est la seule à ne pas garder son indépendance et sa personnalité.

La CFDT Éducation Formation Recherche Publiques a travaillé sur ce dossier dans la durée. Elle dénonce depuis longtemps la fuite en avant vers des solutions qui négligent les alertes de la communauté universitaire.

La CFDT fera donc des propositions, à la fois dans le cadre de la mission en cours et au fil du travail parlementaire, pour que la gouvernance des regroupements corresponde aux attentes des personnels et à celles des étudiants.

Pour aller plus loin