Près de 2 ans après avoir lancé la réflexion autour du métier enseignant, l’ONU vient de publier 59 recommandations issues du groupe de Haut niveau qui avait été mis en place suite à la demande du Secrétaire Général de l’ONU, Antonio Guterres.
L’ONU présente 59 propositions pour demander aux gouvernements d’agir sur la profession enseignante. L’objectif est de résoudre les problématiques d’attractivité du métier. L’ONU a mobilisé un groupe de haut niveau. L’International de l’Éducation représentait les syndicats enseignants dont la CFDT Éducation Formation Recherche Publiques. La France en est signataire. Pour notre pays, il lui faudra changer de méthode, d’ambition tant ce qui est recommandé va à l’encontre des pratiques actuelles du gouvernement.
Rendre le métier d’enseignant attractif, il y a urgence !
Le constat est là, le métier d’enseignant n’attire plus. Il faudrait, selon les chiffres de l’UNESCO, recruter 60 millions d’enseignant.e.s de par le monde avant l’horizon 2030 pour renouveler la profession. Cette pénurie mondiale est alarmante ! Selon le rapport de l’ONU, cette pénurie est due à :
- des conditions de travail dégradées,
- des rémunérations insuffisantes,
- un manque de reconnaissance sociale,
- un pilotage défaillant des gouvernements
- …
La France en la matière ne fait pas exception. Il suffit pour cela de regarder comment le « choc des savoirs » est piloté et se met en place dans un dialogue social de façade.
59 recommandations qui doivent se décliner dans les pays membres de l’ONU
Grâce à l’action de plaidoyer de l’Internationale de l’Éducation auquel participe la CFDT Éducation Formation Recherche Publiques, l’ONU appelle les gouvernements à résoudre les problèmes d’attractivité du métier enseignant.
Pour cela, elle propose 59 recommandations sur différentes thématiques. Celles-ci sont toutes en lien avec le respect et la valorisation du métier à commencer par l’application d’aucune mesure d’austérité sur le financement de l’éducation.
Salaires et conditions de travail : des enjeux majeurs pour l’attractivité
Vouloir des enseignants performants, recrutés avec un bagage universitaire conséquent passe inévitablement par une rémunération alignée sur les professions de même niveau : ingénieur par exemple. Ce n’est pourtant pas la cas au sein de nombreux pays dans le monde, la France en étant l’exemple parfait.
Non seulement, il convient de revaloriser le métier. Mais il faut également instaurer un déroulé de carrière attractif pour fidéliser ces personnels. En effet trop d’enseignant démissionnent faute de perspectives intéressantes d’évolution professionnelle possible.
Mais cela passe aussi par la nécessaire amélioration des conditions d’exercice du métier. Pour cela, les gouvernements doivent avant tout reconnaître publiquement la confiance dans leurs personnels, l’importance sociale et les compétences professionnelles des enseignant.e.s. L’institution doit pour cela agir immédiatement dès que des personnels sont victimes, de violences, de menaces ou d’intimidations. Pour cela, les auteurs doivent être systématiquement poursuivis. Cela doit permettre aux personnels de travailler dans la sérénité à leur mission première ; transmettre des compétences et des connaissances aux élèves, aux jeunes.
Pour l’ONU, cela passe par une nécessaire campagne médiatique de valorisation du métier et une confiance dans la capacité des enseignant.e.s à exercer leur métier.
Formation initiale et continue des enseignant.e.s : ne plus faire l’impasse
Le groupe de haut niveau recommande un recrutement des enseignants au minimum à niveau licence mais préconise à niveau master.
En effet, selon le rapport, les enseignant.e.s ont besoin de l’apport de la recherche pour asseoir leurs pratiques pédagogiques. Pour cela les établissements formateurs de l’enseignement supérieur doivent pouvoir coordonner leurs maquettes de formation. Mais, ils doivent aussi être réglementés et contrôlés. Ceci, afin que les formation proposés soient compatibles avec la réalité du métier, dans les établissements scolaires et les écoles.
Outre la formation initiale, les enseignant.e.s doivent pouvoir bénéficier d’une formation continue de qualité tout au long de la carrière. Celle-ci doit permette un développement professionnel, dans le nécessaire respect de l’autonomie professionnelle et le respect entre temps pro et temps perso. Pour cela, l’ONU appelle à un investissement massif autour de cet objectif, principal talon d’Achille de l’institution. La France en est le parfait exemple : les temps de formation continue se limitent à des temps d’informations sur les réformes en cours.
Autonomie, autonomie, autonomie !
À force de réformes permanentes, les gouvernements successifs finissent par lasser et ne plus donner sens à l’exercice du métier. Ce manque de sens est source de fuite de beaucoup de personnels et d’étudiants en devenir. Pour l’ONU et l’Internationale de l’Éducation qui a poussé dans ce sens, il convient que les politiques éducatives s’inscrivent dans la durée.
Outre l’autonomie nécessaire à l’acte d’enseigner, les établissements, les écoles doivent disposer de l’autonomie nécessaire pour mettre en œuvre un enseignement en rapport avec le territoire d’implantation.
D’autre part, en tant que professionnel.le.s, les enseignant.e.s doivent pouvoir choisir la méthode pédagogique la plus adaptée pour leur classe. Cette liberté pédagogique est nécessaire pour expérimenter, mettre en œuvre, évaluer. Au-delà du dogmatisme, le rapport entre les enseignants et les élèves doit demeurer la priorité. Cette interaction permet de construire l’apprentissage et le transfert de compétences, de connaissances.
Attention, autonomie ne veut pas dire liberté absolue. Un.e enseignant.e doit être en capacité de rendre compte de ses réussites mais aussi de ses erreurs. Une chose est certaine, c’est bien sur le terrain que la priorité doit être mise et non dans un bureau quelconque d’un ministère. Réduire la profession à l’exécution d’une tâche décidée hors les murs ne peut être qu’un repoussoir à l’attractivité d’un métier hautement qualifié.
D’autres axes de travail
L’ONU formule également d’autres recommandations autour :
- Du genre, de l’équité et de la diversité avec la nécessité de posséder des environnements inclusifs, sûrs et non – discriminatoires.
- La place des femmes, principales composantes des corps enseignants, doit être pensée pour permettre une égale rémunération et un déroulé de carrière donnant un accès égal aux différents postes à responsabilités.
- La nécessité de créer des commissions nationales dans chaque pays pour assurer la mise en œuvre des recommandations
- La priorité donnée à l’enseignement public et à un financement via l’impôt réparti équitablement en fonction de la richesse des individus.
Le dialogue social, la négociation collective : ne pas faire sans les syndicats
Alors que l’on est en France sur un dialogue social d’apparence du fait d’un gouvernement qui ne sait pas ou ne veut pas faire, l’ONU déclare au contraire que les organisations syndicales représentatives doivent être au cœur de l’élaboration des politiques éducatives.
Aucune décision ne doit se prendre sans des rencontres, sans un temps long de négociations collectives. Cela reste la seule possibilité pour permettre une appropriation par les personnels.
Pour la CFDT, qui base son syndicalisme sur ce principe, cette préconisation ne doit pas rester lettre morte. Notre organisation syndicale le rappellera chaque fois que nécessaire aux décideurs. Charge à eux maintenant de changer de méthode notamment en sortant de positionnements dogmatiques.
L’Internationale de l’Éducation a pu porter la parole enseignante à l’ONU. Il faut maintenant que cela soit possible à un échelon national. Encore fait-il que ce gouvernement, qui a signé ces recommandations, aient une réelle volonté de mettre en œuvre !
Les 59 propositions de l’ONU pour la profession enseignante : le rapport complet.