Le CSE a rendu un avis unanimement défavorable contre la procédure de labellisation des manuels. Elle se mettra, pourtant, en place pour les niveaux de CP et CE1 en maths et français à la rentrée prochaine.
Le Ministère s’est servi des résultats controversés de son enquête en direction des enseignants, pour justifier le besoin de labelliser et co-financer les manuels en CP et CE1, comme cela se passe aujourd’hui au Japon ou en Hongrie. En effet, une majorité des répondants a indiqué ne pas avoir et/ou ne pas utiliser de manuels. Avec cette mesure du choc des savoirs, le Ministère agit de façon verticale et injonctive comme s’il savait ce qu’il faut faire dans la classe et qu’il peut à cet effet se passer de l’avis des professionnels qui enseignent au quotidien auprès des élèves.
Une atteinte à la liberté pédagogique
Pour le Sgen-CFDT, les enseignants sont des ingénieur.e.s pédagogiques compétents pour choisir les manuels et les méthodes adaptées aux réalités locales de leur classe. La définition des critères de labellisation sera particulièrement prépondérante pour déterminer l’impact réel de cette mesure. Plus ces critères seront restrictifs plus la liberté pédagogique sera atteinte. Par ailleurs, l’impact de cette labellisation sera renforcée par le financement des manuels par l’État qui en limitera l’achat aux seuls manuels labellisés.
Pourtant, cet investissement dans un manuel se fait pour plusieurs années car on ne change pas d’outils tous les ans. En effet, les collectivités territoriales, financeurs ne pourront en effet allouer un budget tous les ans d’autant que les inégalités territoriales d’une commune à une autre en matière de dotations aux écoles sont très importantes en France.
Si le manuel est utile, la labellisation induit une pensée unique
L’intérêt du manuel est certain notamment pour alléger le travail des enseignants, leur proposer des gammes d’exercices mais aussi les guider via le livre du maitre dans l’approche didactique et pédagogique à privilégier. Inutile de réinventer des choses qui existent déjà, autant permettre aux professeurs des écoles de se concentrer sur les adaptations à apporter pour répondre aux besoins spécifiques de ses élèves.
Pour autant, il convient, pour notre organisation syndicale, que les enseignant.e.s puissent choisir l’outil pédagogique avec lequel ils/elles vont travailler. Là encore, il s’agit d’interroger l’autonomie qui est laissée aux collègues au sein de leur classe et de faire la chasse aux injonctions contreproductives effectuées par des représentants de l’Institution. Il n’y a pas de pensée unique et permettre à tous les élèves de progresser relève d’une complexité qui ne peut se prévaloir d’une méthode unique labellisée comme ce qui se passe pour le manuel de la Méthode de Singapour.
Une labellisation qui met en cause les rédacteurs des manuels
En souhaitant remettre la main sur les manuels, le Ministère remet en cause celles et ceux qui aujourd’hui participent à leur rédaction. Pour la plupart, ce sont des agents issus des rangs de l’Éducation nationale : IEN, IA-IPR, maitres formateurs. Ces personnels qui sont au centre de la formation des maitres feraient – ils preuve de liberté dans la mise en œuvre des programmes via ce qu’ils cautionnent dans ces manuels ? C’est en tout cas ce que le Ministère laisse penser.
Pour le Sgen-CFDT, Il s’agit clairement d’un manque de confiance affiché dans celles et ceux qui vont accompagner les enseignant.e.s dans leurs classes, les former.
Un problème de calendrier pour une mise en œuvre à la rentrée
Une dernière question pourtant se pose. Comment les éditeurs vont-ils publier des manuels labellisés pour septembre prochain alors que les programmes, qui vont être modifiés, ne sont pas encore sortis et que l’arrêté ne sera publié qu’après passage au Conseil d’Etat et au conseil des ministres, le tout en prenant en compte la durée de la procédure de labellisation ? Nous sommes actuellement en mars et on voit mal comment ce calendrier est tenable.
Pour le Sgen-CFDT, en voulant aller vite, ce ministère montre pleinement ses limites dans sa capacité à écouter les représentants du personnel.