Mercredi 16 octobre 2024, les deux fédérations CFDT de l’Éducation - CFDT Éducation Formation Recherche Publiques et Fep-CFDT - ont rencontré la nouvelle ministre de l’Éducation nationale, Anne Genetet. Une fois encore, les ministres passent, la CFDT persiste.
La bilatérale avec Anne Genetet s’est déroulée autour des cinq thématiques principales voulues par la CFDT : le budget, le « choc des savoirs », les conditions de travail, le dialogue social, le contrôle des établissements privés sous contrat.
Les personnels souffrent de la dégradation de la qualité de vie et des conditions de travail
Pour les deux fédérations CFDT de l’Éducation, la bilatérale avec Anne Genetet est l’occasion de présenter nos analyses critiques et nos revendications à propos du budget, du « choc des savoirs », des conditions de travail, du dialogue social, du contrôle des établissements privés sous contrat.
Budget : non au coup de rabot
La suppression de postes d’enseignants trop forte a engendré la mise en place d’une alerte sociale par une intersyndicale. Pour la CFDT, la baisse démographique devrait être l’occasion d’améliorer les conditions de travail des personnels et d’apprentissage des élèves à travers notamment le dispositif « plus de maître que de classe », pour améliorer les conditions de l’inclusion pour les personnels et les élèves. Pour nous, les coupes sur le fonctionnement avec des frais de déplacement non remboursés pour certains personnels (PsyEN, IPR, infirmière…) sont inadmissibles. Cela engendre du travail non fait et met les personnels en souffrance car ils ne peuvent plus réaliser leurs missions. Nous insistons sur le budget des collectivités qui nous inquiètent aussi, concernant la rénovation bâtimentaire à l’arrêt et les dépenses culturelles. Le mal-être des enseignants a nécessairement des répercussions sur les élèves. La CFDT a rappelé sa demande d’une programmation pluriannuelle des emplois et de la revalorisation sans condition des personnels de l’Éducation nationale.
Non au « Choc des savoirs »
La CFDT rappelle son opposition au choc des savoirs et pointe l’énorme travail que cela suscite, sans qu’il soit reconnu. Concernant les évaluations nationales, retirer des heures d’APC ne convient pas. Les évaluations du CM2 sont emblématiques. En effet, les professeurs ne corrigent pas mais saisissent les dictées et réponses des élèves avec les erreurs orthographes, ce qui est un travail inacceptable pour des cadres A et cela revient à déposséder les enseignant.e.s de leur expertise professionnelle. La CFDT insiste aussi sur le fait que les groupes de niveaux sont en contradiction avec l’école inclusive, car il y a une sous-représentation des élèves dans certains groupes.
Conditions de travail : beaucoup d’épuisement professionnel
La CFDT Éducation, Formation, Recherche Publiques informe la ministre du nombre croissant des fiches SST qui remontent, touchant spécialement les professeurs souffrant de la difficile mise en œuvre de l’école inclusive. Nous avons alerté la ministre sur le fait que le « pacte » contribue à l’intensification du travail et l’augmentation du budget pour le « pacte » souligne que ce PLF va encore aggraver les conditions de trvail.. Nous avons aussi alerté sur le déploiement des applications informatiques RenoiRH et Op@ale. La CFDT dénonce les coupes de plusieurs millions d’euros dans la formation continue, avec des répercussions sur les conditions de travail comme les visio le soir sans récupération possible, la difficulté de travail pour les formateurs et formatrices, le souci des récupérations des heures de cours si on suit des formations ou si l’on forme.
Dialogue social : pour de véritables négociations
La CFDT réclame davantage de temps pour de véritables négociations et non des réunions où les syndicats sont conviés seulement pour être informés. Nous déplorons la méthode des ministres précédents qui consistait à informer d’abord la presse. Nous avons transmis des points revendicatifs à la ministre notamment la demande faite, à travers les cartes pétitions, de faire passer de 15 à 30 euros la participation forfaitaire de l’État employeur à la cotisation PSC des agents pour compenser le retard dans la mise en œuvre des accords (retrouvez la pétition en ligne).
Nos deux fédérations ont aussi demandé :
- la mise en place des programmes d’EVARS et la protection des personnels alors que les pressions de groupes réactionnaires, traditionalistes et d’extrême droite se multiplient,
- la mise en place des points de situation mensuels concernant la sécurisation des établissements,
- la mise en œuvre du plan de N’Diaye sur la mixité sociale en y incluant les équipes.
La Fep-CFDT rappelle que le dialogue social avec la DAF a permis des avancées concernant les maîtres délégués et les mobilités, bien qu’il faille encore que les maîtres du privé puissent s’inscrire à tous les concours. La Fep demande que les organisations syndicales du privé soient convoquées par le ministère au même rythme que celles du public.
Pour un contrôle accru des établissements privés sous contrat
La Fep-CFDT rappelle la volonté du ministère depuis janvier de mettre en place le plan de contrôle des établissements sous contrat, pour vérifier la bonne mise en œuvre des programmes, l’application des valeurs de la république, la bonne utilisation des fonds publics. La Fep demande qu’il soit poursuivi et généralisé. Cela doit permettre de mettre définitivement fin à des dérives comme celle de Pau. Il est urgent pour nos deux fédérations CFDT de travailler sur la mixité sociale dans le privé comme dans le public, en précisant que la question des IPS ce n’est pas qu’une question territoriale.
Les propos de la ministre : Pas de réponse aux questions posées
Anne Genetet se présente comme étant une personne qui souhaite prendre le temps de parler dans une société qui change vite. Pour elle, tout ce qu’on fait pour l’éducation prépare l’avenir. Les réformes ne se voient que sur le temps long, en dehors du temps politique. Elle veut mettre en valeur toutes les actions locales. Elle dit vouloir travailler sur trois axes : Une école exigeante qui permet d’élever le niveau des élèves ; une école du bien être au service de la réussite scolaire ; une école qui est à l’écoute du terrain, avec la méthode du « dernier mètre », que ce qu’on met en place aille jusqu’au bout. La CFDT a souligné le risque de contradiction : pour laisser de la place aux initiatives locales, il faut que le niveau ministériel ne décide pas de tout.
Concernant le budget, la ministre considère qu’il n’y a pas de coup de rabot car il y aurait eu davantage de pertes si l’on avait suivi strictement les baises démographiques. C’est aussi pour elle une question d’aménagement du territoire sur lequel elle n’a pas la main.
Concernant le « choc des savoirs », elle souhaite maintenir les réformes et particulièrement les évaluations nationales qui lui semblent être un bon outil. Il y aura bien un nouveau DNB pour la session 2026, pour lequel elle veut redonner de la valeur aux notes chiffrées, ne semblant pas avoir en tête les études de docimologie.
Elle reste sourde à la détérioration des conditions de travail, notamment celles concernant la saisie des évaluations standardisées et singulièrement des dictées et des réponses rédigées des élèves par les collègues en Primaire. La CFDT Éducation Formation Recherche Publiques et la FEP-CFDT ont rappelé le surcroit de travail pour les professeur.e.s des écoles en lien avec ces évaluations, travail qui n’est pas suffisamment reconnu.
Elle souhaite entériner la réforme de la formation initiale pour la rentrée prochaine. Elle dit travailler avec le ministre de l’Enseignement supérieur et la Recherche afin que la future licence parcours professeur des écoles permette aux étudiants de sortir du cursus sans redémarrer à zéro, ou d’entrer dans le parcours en 2ème ou 3ème année. Elle n’y voit aucun souci de financement. Nous lui avons rappelé qu’il est déjà trop tard pour installer une nouvelle licence à la rentrée 2025 en termes de conditions de travail pour les personnels des universités et d’ouverture de Parcoursup.
Concernant le dialogue social, elle souhaite concerter d’abord avec les organisations syndicales avant de faire des arbitrages et s’engage à communiquer après coup auprès des médias.
Concernant l’enseignement privé, elle dit refuser la guerre scolaire et prôner la liberté de choix, en sachant que choisir le privé n’est pas forcément une critique du public selon elle. A notre demande de contrôles plus fréquents et rigoureux des établissements sous contrat d’association avec l’État avec des sanctions dans les situations problématique, elle semble vouloir être dans l’accompagnement plutôt que dans le contrôle. Elle souhaite relancer le travail sur la mixité sociale. Elle reste dubitative sur l’uniforme et préfère les initiatives locales qu’une généralisation : elle considère qu’il y a d’autres moyens pour restaurer l’autorité des enseignants et souligne que pour des enfants et adolescents l’uniforme risque de heurter leur estime de soi, leur désir d’expression.
Pour conclure, la ministre rappelle que le ministère a des contraintes notamment budgétaires, et qu’il faut donc faire confiance à la créativité des enseignants. Elle fait aussi confiance au débat parlementaire pour réduire les coupes budgétaires dans l’Éducation nationale. Elle ne s’engage donc pas sur des amendements que déposerait le gouvernement pour améliorer le PLF pour l’éducation, et semble tenir la ligne de faire mieux avec moins en négligeant l’impact pour les conditions de travail des personnels.
Cela ne peut pas satisfaire la CFDT.