La déclaration liminaire de la CFDT Éducation Formation Recherche Publiques au CSAMEN du 02 juillet 2025 : hommage à Mélanie Grapinet, défi climatique, choix budgétaires et politiques et projet de décret sur les carrières.
Hommage à notre collègue Mélanie Grapinet
Le 10 juin 2025, Mélanie Grapinet, assistante d’éducation au collège de Nogent en Haute-Marne a été tuée par un élève qui l’a frappée de plusieurs coups de couteau. La CFDT Éducation Formation Recherche Publiques veut de nouveau rendre hommage à notre collègue, exprimer sa solidarité avec sa famille, avec la communauté éducative éprouvées et endeuillées.
Les organisations syndicales représentatives au CSAMEN (Comité Social de l’Administration du ministère de l’Éducation Nationale) avaient demandé l’organisation d’une réunion multilatérale avec la ministre pour étudier les pistes pour continuer à améliorer le climat scolaire, la sécurité des établissements, des personnels et des élèves.
Une telle réunion a toujours du sens : s’appuyer en temps utiles sur l’enquête de la F3SCT, sur l’enquête judiciaire pourrait permettre d’identifier ce qui aurait pu être fait pour empêcher un tel drame. Les tous premiers éléments de l’enquête qui ont été communiqués par exemple par le Procureur de la République ont montré que les propos d’estrade, les effets de manche de certaines personnalités politiques étaient en décalage total avec la matérialité des faits, et s’écartant parfois de la décence la plus élémentaire face à pareil drame. Attachons-nous à l’analyse des faits pour construire des mesures adaptées et respectueuses des grands principes de la justice des mineurs qui consacre l’éducabilité de toutes et tous.
Nous saluons la décision de nommer Madame Grapinet chevalier de la Légion d’honneur à titre posthume, qui contribue à honorer la mémoire d’une collègue tuée au travail, et qui déclenche des moyens pour que la puissance publique contribue à pourvoir à la sécurité matérielle de son fils.
Adapter l’École au défi climatique : une urgence structurelle
La vague de forte chaleur entraîne des difficultés, d’exercice dans les établissements scolaires pour les personnels, et d’étude pour les élèves. La diffusion des consignes du plan canicule, pour indispensable qu’elle soit, place les personnels dans une situation paradoxale : il n’est pas toujours possible de les mettre en œuvre. Tous les établissements ne disposent pas loin s’en faut des installations permettant de fermer les volets et de ventiler les classes. De tels épisodes climatiques sont appelés à se reproduire. Il convient d’envisager avec toutes les parties prenantes, d’une part les voies et moyens d’équiper de manière pertinente et adaptée les établissements, et aussi d’envisager comme en Allemagne la suspension du service quand ses conditions de réalisation ne sont tenables ni pour les usagers ni pour les professionnels, et donc de structurer les modalités de prise de décision en articulant les différents niveaux de responsabilité institutionnelle.
Retour en 2017, avec l’extrait de la déclaration liminaire de la CFDT au CTMEN (Comité Technique ministériel de l’Éducation Nationale) du 21 juin 2017. En 2019, le ministère avait été contraint de décaler les épreuves terminales du DNB (Diplôme National du Brevet), en juin 2022 les parents sont invités à garder leurs enfants à la maison, en 2023 encore des journées caniculaires rendent particulièrement difficile les conditions de travail, en 2025 déjà à la mi-juin des collègues nous signalent qu’à l’occasion des oraux de BTS, des examinateurs et examinatrices étaient à la limite de défaillir à la fin d’une journée dense dans des locaux surchauffés. Les experts du GIEC ont établi que le dérèglement climatique sur fond d’augmentation des températures moyennes allait se traduire en métropole par des épisodes caniculaires plus fréquents, plus intenses, plus tôt dans l’année. Ils estiment aussi que le scénario probable est celui d’une tropicalisation du climat. Nous ne pouvons plus attendre le prochain épisode caniculaire ne se limitant au quart sud de l’hexagone survienne pour répéter les mêmes attentes. Nos collègues, les élèves, les familles ont besoin que les pouvoirs publics structurent la prise de décision quand des alertes météorologiques sont émises sans attendre la veille de l’événement, nous avons besoin d’identifier les leviers d’action avec toutes les parties prenantes tant les décisions concernant l’organisation du service public d’éducation ont des conséquence hors de l’École. Et tout cela devra être construit avec les organisations syndicales représentatives des personnels avec un cadrage national et des protocoles locaux adaptés aux réalités.
Les employeurs publics des agents de tous métiers qui assurent le service publique d’éducation ne peuvent plus se détourner de leurs obligations en matière de protection face aux risques liés aux fortes températures qu’ils et elles travaillent dans les écoles, les collèges, les lycées et tous les services centraux et déconcentrés. Trop de lieux de travail ne sont pas adaptés à la nouvelle donne climatique et ne permettront pas aux agents d’« éviter les élévations exagérées de température » (Code du travail). L’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) considère qu’au-delà de 30 °C pour un salarié sédentaire, et 28°C pour un travail nécessitant une activité physique, la chaleur peut constituer un risque pour les salariés.
Les enjeux sont structurels. Pour la CFDT Éducation Formation Recherche Publiques, les gouvernements ne peuvent plus se contenter de produire de temps en temps des plans nationaux d’adaptation au changement climatique sans dialogue réel avec l’ensemble des organisations représentatives des agents. Nous demandons à la ministre de l’Éducation nationale de structurer rapidement le dialogue social pour mettre en œuvre les dispositions du décret et de l’arrêté du 27 mai 2025, et l’ensemble des dispositions du code du travail pour protéger enfin correctement les personnels et ce faisant les élèves. Adapter le système éducatif au changement climatique supposera des investissements importants, et un travail loyal dans la durée entre l’État et les collectivités locales. La situation budgétaire du pays ne pourra pas cautionner la poursuite de l’inaction, au risque de déstabiliser radicalement le système éducatif alors que le scénario d’un réchauffement à +4° est désormais le plus probable.
Les choix budgétaires et politiques actuels fragilisent l’avenir du système éducatif
La CFDT Éducation Formation Recherche Publiques ne nie pas la situation des finances publiques de notre pays. Mais nous n’oublions pas l’origine d’une partie non négligeable de notre endettement public : les dépenses exceptionnelles pour soutenir l’économie lors de la crise des Subprime, lors de la crise du Covid étaient légitimes pour que ces crises ne soient pas plus ravageuses encore en termes sociaux. Mais il était possible d’imaginer ensuite une fiscalité exceptionnelle portant prioritairement sur les plus hauts revenus et singulièrement sur les revenus du capital pour résorber rapidement le surcroît de dette liée à des chocs exogènes. Il convient aussi d’en finir avec la non conditionnalité des aides aux entreprises. Bref, l’obstination de l’exécutif à rétablir les comptes publics par la seule réduction des dépenses publiques et donc en premier lieu les dépenses qui permettent aux services publics d’exister, qui permettraient de préparer l’avenir n’est pas soutenable. Les modalités d’exécution du budget 2025, quoi qu’en dise la ministre des comptes publics, ont déjà des effets délétères sur le service éducatif offert à la population, et dégradent encore les conditions de travail des personnels du ministère de l’éducation nationale. Et pourtant le ministère annonce des mesures nouvelles qu’il faudrait mettre en œuvre sans moyens, sans réorganiser, sans prioriser l’action… sans renoncer maintenant à des politiques dont il est désormais confirmé qu’elles sont inefficaces voire délétère à l’instar des groupes de niveau dans le cadre du « choc des savoirs ». Et pourtant, les voix avaient été nombreuses au sein des organisations syndicales mais aussi de la part de chercheurs et chercheuses pour rappeler que ces mesures étaient inefficaces et dangereuses. Les perspectives qui se dessinent pour le budget 2026 vont encore aggraver la situation, et les contraintes budgétaires amènent des académies à prendre des décisions délétères pour la capacité à couvrir les besoins d’enseignement en 2025-2026. Nous risquons fort d’avoir des équipes professionnelles très incomplètes dans nombre d’écoles et établissements, au détriment des élèves et des conditions de travail de tous les personnels. A la rentrée, le sujet ne sera pas celui des remplacements de courte durée mais bien la capacité même à assurer l’enseignement.
Nous exprimons aussi notre vive inquiétude sur les effets à venir du projet gouvernemental visant à donner des compétences aux préfets en matière d’évaluation des responsables des services déconcentrés de l’Éducation nationale, de validation de la carte scolaire et qui sera présenté au CSFPE (Conseil Supérieur de la Fonction Public de l’État) la semaine prochaine. Ces mesures, loin de simplifier et clarifier l’action de l’État dans les territoires, vont au au contraire rendre les procédures plus complexes, donner un pouvoir de décision hors des instances réunissant les acteurs éducatifs du territoire, et imposer de facto une nouvelle ligne hiérarchique aux DASEN (Directeurs Académiques des services de l’Éducation Nationale).
Projet de décret sur les carrières : une attente toujours sans réponse
Une question précise en lien avec le suivi des textes : le PJD portant diverses dispositions statutaires relatives à la carrière et à l’évaluation des personnels relevant des corps enseignants, d’éducation et de psychologues de l’éducation nationale serait toujours à l’arbitrage du guichet unique. Plusieurs organisations syndicales ici présentes ont saisi le Premier ministre à ce sujet… Matignon nous répond que notre question a été transmise à la ministre d’État, ministre de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur et la Recherche. Nous souhaitons une réponse claire et officielle : confirmez-vous que ce texte ne sera pas publié ? C’est l’hypothèse qui semble tenir la corde, c’est donc l’attractivité en marche arrière.