PAUSE, le Programme national d'accueil en urgence des scientifiques et artistes en exil, par l'étendue de ses actions développées depuis huit ans, occupe une position experte en la matière.

Le Programme PAUSE, depuis sa création en 2017 par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (MESR), a accordé plus de 1 150 financements pour recevoir 700 chercheur·e·s et artistes en danger dans leur pays d’origine ou renouveler leur contrat d’accueil. Coordonné par le Collège de France, PAUSE fonctionne grâce au cofinancement d’environ 140 établissements d’accueil (universités, organismes de recherche, institutions culturelles…).
Un passage de cet entretien a paru dans le dossier « Rallumer les Lumières » consacré à la lutte contre les extrêmes droites du no 300 – Avril-mai-juin 2025 de Profession Éducation, le magazine de la CFDT Éducation Formation Recherche Publiques.
Depuis la création de PAUSE, notre organisation syndicale soutient les actions d’accueil, d’accompagnement des scientifiques et artistes en danger par le Programme et ses actions de plaidoyer pour la défense des libertés académiques et artistiques.
Ce soutien se fait à travers la publication d’articles et d’entretiens (cf. Ressources complémentaires) ainsi que l’insertion gratuite d’appels à don dans nos pages de magazine. Toutes les contributions de particuliers sont bienvenues pour soutenir les scientifiques et artistes en exil et renforcer l’engagement des établissements d’enseignement supérieur et de recherche et des institutions culturelles. Pour faire un don au programme PAUSE, c’est ici.
Avez-vous pu anticiper la conséquence d’une victoire de Trump sur le sort des scientifiques en danger ?
Nous redoutions des attaques contre les libertés académiques, mais pas d’une telle ampleur ! PAUSE a été créé en 2017, dans le contexte de la première élection de Trump et nos homologues américains, le Scholar Rescue Fund et Scholars at Risk, avaient dû alors développer leurs réseaux à l’extérieur, notamment en Europe. En effet, si 80 % des chercheurs en danger qu’ils accompagnaient étaient jusque-là accueillis aux États-Unis, et 20 % dans le reste du monde, la répartition s’était totalement inversée avec les décrets pris sous Trump. Nous les avons aidés à organiser l’accueil de leurs chercheurs en dehors des États-Unis.
la moitié de la population mondiale vit dans des pays où la liberté académique est totalement restreinte
Aujourd’hui, un cap est franchi puisqu’il s’agit d’accueillir des scientifiques américains ou des chercheurs étrangers travaillant aux États-Unis, mais qui pourraient être menacés d’expulsion s’ils perdaient leur poste et mis en péril s’ils étaient renvoyés dans leur pays d’origine – perspective redoutable car la moitié de la population mondiale vit dans des pays où la liberté académique est totalement restreinte2.
Avez-vous reçu des candidatures de chercheurs américains ?
Très peu, mais en recevoir nous poserait un problème de ressources. En effet, ne bénéficiant plus, depuis 2022, d’aides européennes – un temps compensées par des fonds supplémentaires alloués notamment par le MESR pour la création d’un fonds d’urgence exceptionnel quand l’Ukraine a été attaquée –, nous devons fonctionner avec notre dotation initiale alors que les demandes ne cessent d’augmenter. Si nous n’arrivons pas à lever des fonds, il nous faudra prioriser les dangers, c’est-à-dire choisir entre un chercheur venant d’Afghanistan, de Gaza, d’Ukraine ou des États-Unis. C’est un terrible dilemme ! Il faudra aussi choisir entre les demandes de renouvèlement et les premières candidatures.
nous devons fonctionner avec notre dotation initiale alors que les demandes ne cessent d’augmenter
Quelle répartition entre le nouveau programme gouvernemental « Choose France for Science » et PAUSE ?
PAUSE est un programme au cœur de la communauté de l’enseignement supérieur et de la recherche et il faut saluer les établissements d’accueil, cofinanceurs, qui sont en première ligne. Sans eux, pas de programme !
Heureusement, ce programme n’est pas réservé aux Américains mais ouvert à celles et ceux qui ne peuvent pas continuer leur travail de recherche dans leur pays. Une condition d’entrée est de travailler dans certaines disciplines (santé, climat, numérique, études spatiales…). Il est crucial d’éviter un effet d’éviction : la situation aux États-Unis a suscité beaucoup de mobilisations et pourrait faire oublier les chercheurs qui sont dans cette situation dans beaucoup d’autres pays, voire en danger d’emprisonnement, de torture, de mort. Donc nous alertons et espérons être entendus pour que ce tout nouveau programme s’étende aux chercheurs en danger, conformément à la politique publique menée depuis huit ans – en sachant que PAUSE a besoin de 3,5 millions d’euros supplémentaires pour 2025, dans un temps où l’on entend parler de sommes quinze fois supérieures.
PAUSE est un programme au cœur de la communauté de l’enseignement supérieur et de la recherche et il faut saluer les établissements d’accueil, cofinanceurs, qui sont en première ligne. Sans eux, pas de programme ! Malgré les difficultés budgétaires, quasiment toutes les universités françaises ont accueilli au moins un lauréat et certaines – pas nécessairement les mieux dotées – ont même sanctuarisé une ligne budgétaire pour cet engagement dans le programme PAUSE.